Extrait d'une correspondance cryptée entre un scientifique du Camp et un de ses amis. Date incertaine, estimée à une dizaine d'années plus tôt.
« J'ai exactement la personne qu'il te faut ! Une professeure de talent et pleine de patience. Une spécialiste des arts martiaux. Elle est renommée dans le milieu pour orienter ses élèves vers d'autres disciplines si la sienne ne leur convient pas. Elle est aussi connue pour « collectionner » les arts martiaux, ce qui peut être pas mal pour toi, non ? Elle a vraiment un bon feeling avec les enfants.
Sur le plan personnel, elle est plutôt posée et très disciplinée. C'est probablement le résultat de toutes ces années de wing chun. Elle peut être un peu... « versatile », parfois. Mais elle a un fond très optimiste. Elle s'emporte assez difficilement, mais quand elle se met en colère, tu ne le vois pas venir. Et dans ces cas-là, elle est vraiment méchante. Mais t'inquiète pas, ça arrive rarement. Aussi, sache qu'elle est très très curieuse. C'est sûrement comme ça que tu vas réussir à la recruter, d'ailleurs ! Elle peut quand même être un peu brutale, par moment, mais franchement, j'ai jamais entendu dire que ses élèves aient eu de gros soucis. Une blessure par-ci par-là, oui, mais bon, elle donne pas des cours de tricot ! Elle préfère qu'on la laisse tranquille, mais elle est tout à fait capable de travailler en équipe et de vivre en communauté. De toute façon, elle n'a aucun problème de communication, crois-moi ! Donc si elle a besoin de solitude, je suis sûre qu'elle saura en faire part au reste du monde. »
Quelques adjectifs
Anxieuse
Autoritaire
Brutale
Coquette
Curieuse
Fière
Introvertie
Patiente
Pédagogue
Posée
Observatrice
Disciplinée
Optimiste
Têtue
Versatile

Alya, fille de l'été, fille d'ouragan. Si ses parents s'attendaient à une enfant vive et pleine d'énergie (ce qu'elle était effectivement), ils ne comptaient pas sur les humeurs sombres, soudaines et apparemment sans raison, qui s'emparaient régulièrement d'elle. Alya se renfermait très vite quand elle était en colère ou doutait d'elle-même. Pour autant, ses parents le prirent avec un certain fatalisme, comme les égratignures aux genoux et les bosses à la tête : ils pouvaient difficilement attendre de leur fille qu'elle soit calme et paisible, pas alors que sa naissance avait précédé de peu les vents furieux et pluies torrentielles de l'ouragan !
Quand elle eut cinq ans, ses parents décidèrent de l'inscrire à un cours de judo. Ils espéraient arriver ainsi à canaliser son énergie débordante, mais aussi à prendre confiance en elle, à s'ouvrir plus facilement aux autres et à gérer sa colère. En fait, ils voulaient autant qu'elle dépense son énergie et apprenne à se concentrer qu'être débarrassés de ces humeurs sombres, qui les perturbaient malgré tout, surtout chez un enfant si jeune.
Après cinq ans de judo, elle s'orienta vers le karate (pour y rejoindre une copine) avec la bénédiction de son professeur, qui avait bien vu qu'elle ne s'épanouissait pas autant qu'elle l'aurait pu. Ses parents la laissèrent faire, satisfaits qu'elle continue de pratiquer un art martial, dont ils constataient les effets sur le physique et le mental de leur fille. À quatorze ans, Alya décida de changer d'art martial. Si le judo et le karate lui avaient beaucoup apporté, elle n'était pas entièrement satisfaite de la philosophie qui accompagnait la discipline. Ses parents lui laissèrent l'entière responsabilité du choix, insistant simplement pour qu'elle continue à faire un sport. Pas du tout portée sur les jeux d'équipe et peu attirée par les sports pratiqués à son collège, Alya entreprit de découvrir d'autres arts martiaux, à la recherche de celui qui lui conviendrait. C'est comme cela qu'en quatre ans elle essaya le kendo, le systema, le tai chi et le jujutsu, avant de finalement commencer le wing chun. Elle continua son apprentissage du wing chun en parallèle de ses études pour devenir enseignante, et n'arrêta jamais de pratiquer cet art martial. Elle se mit petit à petit à enseigner le wing chun, jusqu'à pouvoir prendre entièrement en charge un cours, et finalement délaissé l'enseignement plus classique pour se focaliser sur celui du wing chun.
Alya n'abandonna jamais entièrement le judo ni le karate. Dès qu'elle en avait l'occasion, elle se perfectionnait dans ces arts, tout comme elle ne se privait jamais d'en découvrir un nouveau quand l'occasion s'en présentait. La curiosité la poussait à découvrir les différents arts martiaux du monde pour ensuite les comparer. Certains étaient plus spirituels que d'autres, certains étaient plus doux que les autres, certains tenaient plus de l'autodéfense que du sport de combat.
Mais tout changea le jour où elle apprit l'existence du Camp et des Humans 2.0. C'est l'ami d'un ami d'un ami qui lui en parla pour la première fois, à demi-mots. Tout ce mystère la rendit curieuse. Curiosité qui ne fut que renforcée quand elle rencontra les enfants (pas très âgés, à l'époque, juste assez pour qu'elle puisse envisager de leur enseigner).
Si elle avait été attirée par sa curiosité, c'est pour le défi qu'elle est restée. Elle a vu en ces enfants le travail de sa vie, la justification de tout ce qu'elle avait fait jusque là, de toutes ces connaissances qu'elle avait amassé sur les arts martiaux. Trouver le Camp, prendre en charge l'entraînement physique et moral des Humans 2.0, c'était son destin.
Alya a vite découvert que ses élèves étaient tout sauf « normaux », bien plus que ce qu'on lui avait annoncé au départ. Une fois, peu après son arrivée, un de ses élèves, qui avait enfin réussit à lâcher prise, s'est mis à flotter. Littéralement. Elle a donc très vite décidé de s'adapter à ses élèves, d'utiliser ses diverses connaissances pour trouver la discipline qui leur conviendrait le mieux. Elle leur inculque la rigueur, le « lâcher prise » et la concentration qui permettent de combattre au corps à corps avec un minimum d'effort. C'est un défi de tous les jours, puisque sur la centaine d'enfants, certains ont besoin d'aïkido, alors que d'autres apprennent plus du taekwendo. Certains retirent beaucoup du tai chi, d'autres ont plus besoin de faire des tours du camp. C'est pourquoi elle continue de « collectionner » les arts martiaux et sports de combat, dès qu'elle le peut. Elle donne néanmoins plus facilement des cours de wing chun, de judo ou de karate. Les autres disciplines, elle a beau les connaître, elle reconnaît sans problème qu'elle ne les maîtrise pas autant que ces trois-là.
Alya est très attachée à la méditation, qui l'a beaucoup aidée, personnellement et professionnellement. Elle considère que la méditation est nécessaire à l'exercice d'un art martial, puisqu'au cœur du combat, c'est le détachement, la concentration et la prise de recul qui font la différence. C'est ce qu'elle essaye de transmettre à ses élèves. Elle réussit avec certains, doit se résigner avec d'autres. Mais on ne peut pas dire qu'elle n'essaye pas !
Alya connaît les enfants par cœur, mais ce n'est pas pour autant qu'elle les considère comme ses enfants. Elle est leur entraîneur, leur professeur, mais elle refuse toute implication maternelle. Bien sûr, Alya ressent de l'affection pour eux, comme on en a pour ses animaux de compagnie, ou pour tout individu que l'on connaît aussi bien qu'elle les connaît, et qu'on a regardé grandir.
Maintenant, tout ce qu'elle souhaite, c'est envoyer les enfants sur le terrain. Alya est curieuse de les voir à l’œuvre, de savoir si leur entraînement aura été efficace. L'expérience n'est pas finie, en ce qui la concerne. Elle ne le sera probablement jamais.